Caridina Multidentata : la petite star japonaise
Je mesure entre 3 et 5cm, je suis grise et je possède une robe transparente, qui suis-je ??
Je suis... la Caridina Multidentata ! Oui ! Anciennement appelée Caridina Japonica (Caridina japonica De Man, 1892) ou plus connu sous le nom de crevette d’Amano !
Celle-ci a été identifié en 1960 à Ogasawara, au sud-est du Japon. Son nom a été ensuite oublié. La même espèce a été décrite ensuite sous le nom de C. Japonica. Du fait de l’ancienneté du nom Caridina Multidentata, ce nom prioritaire et antérieur a été conservé pour remplacer C. Japonica en 2006.
Rendu célèbre par le plus reconnu du monde de l’Aquascaping, M. Takeshi Amano (R.I.P) ! Celui-ci commença à introduire ces crevettes d’eau douce pour réguler la prolifération d’algues, présente dans ces bacs.
D’où viennent-elles ? Quelles sont leurs comportements ? Comment se reproduisent-elles ? Quelle utilité pour nos bacs ?
On voit ça tout de suite !
Une grande famille
Caridina Multidentata fait partie de la classe des Atydae l’une des 5 grandes familles de crevette. Originaire du fleuve Yamato (on l’appelle également Yamato Shrimp ), on peut aussi la retrouver dans d’autres régions : en Corée, à Taiwan ainsi qu’en Indonésie. Elles adorent les grandes rivières composées de substrat rocheux.
Mais attention, certaines espèces ressemblent à la Multidentata mais n’en sont pas ! Nous verrons plus loin comment les différencier et écarter les imposteurs ;)
La crevette, quesako ?
La crevette fait partie de l’ordre des decapodes (Decapoda) et de l’infra-ordre des Caridea , à l’instar des écrevisses qui font parties de l’infra-ordre des Astacidea.
Les crevettes sont dotées d’un squelette externe qu’on appelle « exosquelette »
(Comme dans Elysium ?? Non non, pas ceux là !)
La carapace, composé de chitine - une molécule de la famille des glucides- permet de protéger les viscères et les muscles de la crevette contre les prédateurs et autres habitants voraces de son habitat.
Son corps peut être divisé en 2 grandes parties, le cephalothorax et l’abdomen (pleon).
L’abdomen est composé de plusieurs segments. Ces petites pattes qu’on appelle « pléopodes », lui permettent de nager, et lui sert de support en période d’incubation (concerne uniquement les femelles bien sûr !). Son corps se termine par sa queue (Uropodes et Telson) qui lui sert d’éventail et de nageoire.
Le céphalothorax est donc la partie haute de la crevette, on y trouve la tête, les antennes et antennules, le rostre, les yeux, mais aussi les péréiopodes : composés de 5 paires de pattes (deca !) qui en font d’excellentes nageuses. Les 2 premières paires sont de petites pinces lui permettant de découper la nourriture ou encore de se défendre, les autres paires servent essentiellement à se déplacer.
Son corps est de couleur grise transparente, on observe un motif sur les côtés : de petits points noirs alignés d’environ 0,3mm. On observe une bande blanche sur la surface dorsale allant de la queue à la tête, terminé par de petits yeux noirs.
Jusqu’à la maturité sexuelle (Environ 5 mois) il est quasiment impossible de différencier un mâle d’une femelle. A l’âge adulte, les femelles sont plus grandes et possèdent une poche abdominale plus large sous l’abdomen.
On distingue les femelles des mâles à l’aide de leur motif étiré : les points noirs sont allongés, ressemblant à de petites ligne noires allongées.
Petite deviendra Grande !
Pour grandir, la crevette a besoin de muer, de renouveler sa carapace. Elle sécrète sa nouvelle carapace sous l’ancienne et s’extirpe de l’ancienne carapace. On appelle alors cette « peau », une exuvie. A ce moment et pendant les heures qui suivent la mue, la crevette est très fragile (sa nouvelle carapace étant molle pendant les premières heures), elle est une proie facile. On comprendra pourquoi, le bac devra disposer de nombreuses cachettes où elles pourront se réfugier le temps que leur carapace se rigidifie !
Quels rôles dans nos aquariums pour cette grande Dame ?
La Caridina Multidentata est une espèce grégaire en milieu naturel, c'est-à-dire qu’elle vit en groupe de plusieurs spécimens. Cette espèce est réputée manger les algues avec appétit, et c’est pourquoi, Maître Takashi Amano a eu l’idée de les utiliser pour résoudre ses problèmes d’algues.
C’est également une charognarde qui n’hésitera pas à se débarrasser de cadavres, de reste de nourriture et de plante en décomposition, permettant ainsi de « nettoyer » le bac. Il est très agréable de pouvoir regarder les crevettes se balader et nager de plante en plante, grignotant sans cesse les algues sur le sol, les vitres et autres décors ! Elles mettent réellement de la vie dans les bacs !
Vrai ou fausse Caridina Multidentata ? Comment distinguer une vraie japonica ?
Une espèce peut ressembler particulièrement à Caridina Multidentata.
Citons par exemple la Neocaridina Davidi (Heteropoda), une variété de cette espèce est toute aussi transparente et grise que sa cousine Multidentata (Japonica).
La vraie Caridina Multidentata possède un rostre plus long (Image du haut), voilà comment la différencier mais ce n’est pas très évident à l’œil nu !
Il semblerait qu’il y ait une sous-espèce provenant de Taiwan qui se multiplierait tout comme notre ex-Japonica. Elle se reproduirait de façon primitive également (eau saumâtre) mais serait moins gourmande en termes d’algue que notre crevette d’Amano, légende urbaine ? En tout cas il n’existe aucune preuve de son existence.
Savez-vous que certaines crevettes peuvent également modifier la pigmentation de leur carapace ? Grâce aux chomatophores (cellules pigmentaires) qui agissent selon l’humeur de celle-ci, mais également par un parasite du genre acanthocephale qui infecte l’intestin !
Le changement de couleur se fait alors lentement. Peut-être avez-vous déjà rencontré ce phénomène avec les votre ? Si c'est le cas, n'hésitez pas à réagir sous cet article afin de nous faire part de votre expérience
Maintenance et besoins
Référez-vous à la fiche complète dédiée. En résumer, comme vu plus haut, la crevette d’Amano est une espèce grégaire, et il faut compter au minimum 10 individus de façon à ce qu’elle puisse s’épanouir correctement, lorsqu’elles sont trop peu nombreuses, elles auront tendance à se cacher et ne pas se montrer. C’est pourquoi il est nécessaire d’acquérir un bac de 54L litres au minimum (pour 20 spécimens environ), qui sera d’une plantation luxurieuse et disposant de cachettes (souche de bois, racine, roches). Un sable ou gravier de taille moyenne sera parfait comme sol. On pourra y intégrer de la mousse de java, de la Ceratophylum Demersum ou de l’Egeria densa. Un léger courant d’eau, une température d’eau situé entre 16 et 27°C et un pH entre 6 et 8 est idéal.
La dureté totale (gH) pourra atteindre 20°dgH et la dureté carbonatée jusqu’à 16 dH. Ces crevettes ne sont pas très exigeantes et assez faciles à maintenir.
En bac communautaire, il n’est pas obligé de les nourrir, en effet les restes de nourritures et autres algues sont suffisants mais rien ne vous interdit de leur donner de petit encas de temps en temps ! Elle accepte la nourriture en flocons, granulé, légumes, algues, aliment congelé tel que les larves de moustique, les artémias, les cyclopes (crustacé planctonique), les vers de vase, les comprimés de spiruline, les feuilles en phase de décomposition.
Une alimentation variée leur procurera force et vitalité !
La femelle apparaît plus grande, d’environ 5cm : motifs mélange de ligne et de points noir.
Le bac pourra être équipé d’un filtre à exhausteur, sinon n’oubliez pas de placer un morceau de mousse à l’entrée de la canne aspiration pour éviter de gros dégâts. Les mousses sont un support idéal à la prolifération des algues et des micro-organismes.
Les taux de nitrate et de nitrite devront être aussi bas que possible, les crevettes sont très sensibles à la pollution de l’eau mais également aux métaux lourd tels que le cuivre ou le plomb, vérifier donc à ce que l’eau utilisée soit exempte de ces éléments (notamment pour l’eau de conduite).
Afin de limiter la pollution, un renouvellement de 30% d’eau du bac est préférable de façon à toujours obtenir une eau adéquate.
Reproduction primitive !
Caridina Multidentata fait partie des espèces amphidromes (qui migrent des eaux fluviales vers la mer plusieurs fois dans leur vie et inversement). L’éclosion des œufs s’effectue en eau douce mais la croissance des zoés doit être faite en eau salée.
Les femelles possèdent des ovaires situé dans la région du cou (reconnaissable par un point sombre).
Les œufs prennent environ 4 à 6 semaines pour arriver à maturité. Ensuite la femelle va muer et se détacher de son exuvie, elle libère alors les phéromones afin de transmettre le message aux mâles qu’elle est prête à s’accoupler.
Les mâles attirés par les phéromones, rentrent dans une danse frénétique, on les observe nager rapidement et occuper l’espace dans tout le bac : c’est la phase nuptiale
Les mâles convoitent la femelle, on observe parfois plusieurs mâles autour de celle-ci, mais un seul, sera l’heureux élu !
Le mâle va ensuite s’agripper à la femelle (par-dessus), levant sa queue afin d’éviter les battements et autres mouvements brusques de la femelle. Il attendra le bon moment pour passer en dessous.
Quelques secondes d’immobilisation de la part de la femelle suffisent au mâle : il glisse sous elle, et transmet sa semence via ses endopodes (au niveau des 2 premières paires de pattes) à travers l’organe génital de la femelle. Peu de temps après, la femelle effectue des mouvements de courbure afin de presser les œufs hors de l’utérus et les déplacer sous son abdomen. Ce processus permet la fécondation des œufs !
Les œufs sont maintenus par une substance gélatineuse, sous l’abdomen de la femelle.
Les soins maternels consistent en un brassage des œufs, à l’aide de ses pléopodes dans le but de nettoyer et oxygéner les œufs. Au départ les œufs sont de couleur brun foncé, ils s’éclaircissent par la suite, environ 3 semaines après.
Après une longue attente de 4 à 5 semaines, l’heure est venue pour la femelle, de libérer les petites larves qui peuvent survivre en eau douces jusqu’à 5 jours maximum.
On peut même observer un point noir à l’intérieur des œufs, ce sont les larves !
La ponte est imminente ! La femelle va alors libérer les larves, cette opération peut prendre quelques jours et peut se faire à plusieurs reprises.
Commence alors le périple des petites larves vers les eaux saumâtres leur permettant de grandir !
Le processus de formation des œufs s’établit dans la région du cou
Les petits passent par différents stades larvaires en eaux saumâtres et en eau salé (cette période de croissance dure également entre 4 et 5 semaine) en dérivant vers la mer, une femelle peut libérer jusqu’à 1000 larves d’environ 1,5mm!
Ils se nourrissent alors de plancton en dérivant vers la mer.
Dans sa dernière phase, la petite larve transformée en mini-crevette retourne vers les eaux plus douces.
Technique de reproduction de la japonica
La préparation consiste à mettre en oeuvre 3 bacs pour reproduire confortablement Caridina Multidentata. :
- Un bac de ponte (20 litres)
- Un bac de développement (5 à 10 litres) de 25 à 60 jours
- Un bac de croissance (10 litres)
Le bac de ponte consistera en un bac de 20 litres avec couvercle. On pourra utiliser l’eau provenant de votre aquarium principal où séjournent vos crevettes en temps normal. Les paramètres de température et physico-chimique seront donc identique. On y placera une pompe à air pour brasser l’eau et un thermoplongeur pour réguler et maintenir une température stable d’environ 26°C à 27°C.
Le bac de développement, servira à développer les larves (passage en eau saumâtre). L’eau sera régulée en température, et fabriquée d’un mélange d’eau osmosée et de sel spécial eau de mer pour obtenir une salinité (33-34 g/L). Ce bac nécessitera une préparation en avance (au moins 10 jours) de façon à développer des phytoplanctons (comme Dunalliela salina*), nourritures principale des jeunes larves. On pourra y intégrer 2 à 3 gouttes d’engrais qui permettra de développer plus rapidement le plancton. Il sera éclairé environ 12 heures par jours à l’aide d’une lampe basique mais puissante. Au fur et à mesure du temps, l’eau deviendra verdâtre, signe du bon développement algual. On utilisera un bulleur qui permettra l’oxygénation du bac et de brasser légèrement la surface de l’eau évitant ainsi une pollution et tout dépôt au fond du bac.
* une autre méthode consiste à élever les algues Dunalliela Salina dans un contenant à part, en transvasant une partie dans le bac de développement pour nourrir les zoés.
Ce bac disposera d’un couvercle évitant alors, l’évaporation et la modification du taux de sel dans l’eau (il faut donc surveiller le niveau d’eau et la compenser si nécessaire).
Note : on pourra également nourrir les larves avec du MicroPlan, Liquizell, spiruline en poudre, Golden pearl (attention à la pollution de l’eau)
Le bac de croissance permettra aux jeunes larves, de se développer pour atteindre une taille adulte.
Au début de leur naissance, les jeunes larves peinent à se déplacer, tête en bas, mouvement incertains. En grandissant, elles deviennent très vives et se déplacent vers l’avant, sur le sol ou bien sur les vitres ! Ce bac sera rempli d’une eau adaptée à la maintenance de cette espèce.
Il est temps !
Ça y est, vous avez repéré une femelle pleine d’œufs ? Les œufs sont quasi transparents et vous pouvez observer les larves sous forme de petit point noir ? La ponte est imminente. La littérature sur le sujet indique que la ponte s’effectue surtout la nuit. Il faudra isoler la femelle dans le bac de ponte.
La femelle expulse alors de petites larves qui nagent entre 2 eaux (la tête en bas). Une fois la ponte effectuée, vous pourrez réintégrer la femelle dans votre bac principal en utilisant une épuisette à grosse maille. Les larves peuvent survivre en eau douce environ 5 jours. Utilisez un tuyau afin d’aspirer (siphonner) les larves (ou une grosse seringue avec un bout de tuyau à air au bout) et utiliser un tamis à artémia pour les récupérer. Il vous suffit alors de les transférer dans le bac de développement. Vous pouvez tout à fait les transférer sans période d’acclimatation, elles supportent très bien le choc osmotique.
D’ici quelques jours, les larves ressembleront à de jeunes crevettes, à ce stade leur retour en eau douce est indispensable et doit se faire lentement. L’acclimatation est donc obligatoire, l’eau sera dessalée sur quelques jours. Vous pourrez utiliser un petit contenant type saladier ou autre. Les jeunes crevettes ne grandissant pas toute à la même allure, il faudra les sélectionner une par une à l’aide d’une grosse seringue.
Le contenant sera rempli d’environ 2 tiers d’eau de mer verte (eau provenant du bac de développement), et chaque jour, on remplace 50% de cette eau de mer verte par de l’eau douce. Après 5 jours, on arrivera à une eau très proche de l’eau douce, les crevettes pourront être placées dans le bac de croissance.
Celles-ci grandissent très vite et au bout d’un mois, elles font déjà 1cm ! Les jeunes crevettes y resteront quelques temps de façon à bien grandir. Tous les 3 jours, on leur apporte une nourriture supplémentaire (pastille de fond végétale par exemple)
Au bout de 3 mois, elles font environ 2,5 cm, vous aurez alors le choix ou non de les réintégrer dans votre bac principal !
Le mot de la fin
La reproduction de Caridina Multidentata (Japonica) est un sujet passionnant et il existe encore certaines zones d’ombres sur sa reproduction ! Je vous invite à visiter d'autres sites de références pour la maintenance de Caridina Multidentata en complément ! Un tutoriel vidéo sera également bientôt disponible sur fishfish.
Et vous, avez-vous déjà tenté la reproduction et la maintenance de la crevette d’Amano ? Partagez vos expériences en commentaires !
Un grand merci !